L’une des causes majeures du désordre planétaire est l’ignorance. Le manque d’éducation au sens, à la fois du Savoir et du Savoir-faire, du Savoir-être et du Savoir-vivre. L’éducation traditionnelle familiale a perdu pied face à la scolarisation de plus en plus précoce des enfants. Capturés par le système d’enseignement hérité de la colonisation, des générations d’élites africaines sont devenues des clones de sous-cultures occidentales qui les ont dépouillés de leurs identités. Ces élites conduisent pourtant la destinée de la plupart des pays africains ayant accédé à l’indépendance durant les soixante années passées. Les errements, notés dans le leadership des jeunes états africains, relèvent d’une forme d’impréparation à la relève des défis incommensurables d’un véritable progrès économique, social, et surtout spirituel et culturel !

Les travaux de notre colloque devront, outre un diagnostic sans complaisance de l’offre du système éducatif, proposer des solutions hardies pour une refonte des curricula et l’intégration, dans les programmes scolaires, de l’apport scientifique et culturel des écrivains et scientifiques africains. La marginalisation de la littérature écrite en arabe de nos sages et de nos érudits constitue un manque à gagner inestimable dans la configuration mentale et culturelle de nos élites. Si des efforts notables sont faits dans le sens de la traduction et la vulgarisation d’ouvrages majeurs de notre patrimoine immatériel, des efforts de systématisation restent à faire pour diffuser à travers le monde, la pensée et l’action de nos érudits.   

“Les obstacles interposés entre l’aspirant et la vérité sont au nombre de quatre : l’argent, le désir de gloire, l’imitation aveugle et la transgression”. Abû Hamid Al-Ghazâli.

Avec le triomphe de la démocratie libérale, nous assistons plus à la course sans fin à une production qui n’est plus régulée par la satisfaction des besoins, mais mue par la seule espérance de gains futurs et la généralisation d’un modèle de société consumériste tous azimuts, sans limites ni discernement. Ce qui dessine un avenir de destruction plutôt que d’abondance. Le modèle politico-économique dominant favorise le pouvoir du capital, la rente financière, la propriété individuelle, le désir et la raison calculatrice au service de ce désir. Une vision qui ignore les inégalités, les valeurs référentielles des différents mondes sociaux et civilisationnels, le sens que les acteurs sociaux donnent à leurs actions et à leur vie, l’aspiration à une spiritualité qui élève l’âme au-dessus des petits plaisirs éphémères et destructeurs. 

Dans cette logique du marché qui cherche à harmoniser le monde dans le moule d’un esprit universel favorable à la consommation de masse, les valeurs spirituelles qui alimentent l’éthique personnelle et la morale collective, garantissent l’intégrité familiale et l’équilibre sociale, sont en crise. A la place sont de plus en plus érigées et promues des contre-valeurs destructrices de la cellule familiale de base, de la solidarité fraternelle et de la cohésion sociale indispensable à la volonté commune de vivre ensemble.

Face à cette crise spirituelle et sociale mondiale, la tijâniya propose une source intarissable d’enseignements, de pratiques, de modèles, de références, d’outils cultuels pour empêcher l’humanité de sombrer dans l’abime et l’égarement. La voie soufie ouverte par Chaykh Ahmad Al-Tijâni (RTA) est à la fois un legs et une locomotive qui permet aux générations contemporaines et futures de connaitre la réussite sur terre et dans l’au-delà.

En puisant dans ce terreau fertile d’une sirat qui se source exclusivement dans le saint coran et la sunna de Seyyidina Mouhammad PSL, sans cesser de se consolider à travers les multiples contributions et pratiques des chaykhs qui entretiennent la voie, le colloque va s’attaquer aux défis majeurs de notre société, notamment la préservation de la cellule de base qu’est la famille.  Il y a aussi la question des valeurs, les fondements éthiques d’une citoyenneté modèle, l’impérieuse nécessité d’un commun vouloir de vie commune, dans la diversité et la tolérance. 

Cette thématique sera animée par un mix de panélistes de chercheurs et praticiens issus des universités, des daaras, de la société civile, des organisations socio-professionnelles, pour permettre de croiser des regards éclairés par les enseignements du maitre Chaykh Ahmad Al- Tijâni (RTA), de ses disciples et des Chaykhs des autres obédiences soufies qui, à sa suite ont marqué leur époque par leurs écrits et pratiques. 

Lors de la réunion tenue le samedi 19 aout 2023 au domicile de M. Amadou Tidiane Wone avec Imam Prof. Mouhamadou Bassir Diop, Prof. Ramatoulaye Diagne Mbengue, Cheikh Mbow, Cissé Kane, Mame Ousmane Ndiaye, des pistes de réflexion ont été dégagées pour identifier clairement les défis de l’heure proposer des pistes d’action. 

Les défis

Nos sociétés font face à des défis à l’échelle nationale et à l’échelle mondiale relatives à l’éducation, à l’apprentissage et à ses différents lieux. Les défis les urgents nous semblent les suivants : 

• Comment reconstruire le dialogue car il n’y a plus de dialogue ?
• Comment relever le défi du cloisonnement des lieux d’apprentissage (école, daara, famille, rue, Internet, Télévision et médias sociaux, littérature) ;
• La société déchirée, malade (impolitesse, irrévérence, violence banalisée, injures, mœurs) ;
• La pensée unique, le terrorisme de la pensée ; 
• L’immensité des rejets du système d’éducation ;
• Le silence du monde islamique sur tout : changements climatiques, conflits politiques, domination de l’industrie du divertissement, de l’armement, manque du sens des priorités (ex. sommes investies dans le divertissement avec notamment le football) ;
• L’échec largement diagnostiqué du système éducatif formel (assises et dialogue national) ;
• Le numérique et ses dérives ;
• Les lobbies contre notre vision du monde et jetant le discrédit sur nos schémas de pensée ;
• Les nouveaux besoins ;
• Comment faire commercer les différents lieux d’apprentissage ? 
• Comment faire converger les efforts vers la construction de citoyens modèles ? 
• À quel moment introduire l’éducation à l’islam soufi ?
• Quelles leçons tirer du parcours des saints pour faire face aux défis de l’éducation ?
• La laïcité ?
• – Quelle école inclusive enracinée dans nos valeurs les meilleures et quels curricula ?
• – Quelles valeurs fondamentales pour un épanouissement harmonieux de l’homme ?
• – Comment s’inspirer du système des zawiyas, des dahiras et des daaras magistralement mis en œuvre par les maîtres soufis.

Face à ces défis, les pistes de réflexion proposées :

1. L’islam est une proposition, une guidée, une solution : Il est opportun de se référer à l’héritage et au parcours des saints pour proposer des solutions concrètes. 
2. Il faut briser les murs de cloisonnement entre les différents lieux d’éducation : dépasser la dimension scolaire et inclure tous les autres lieux de l’éducation et d’apprentissage en y apposant l’empreinte de l’islam en général avec comme exemples concrets, la démarche inspirée des saints et leur parcours
3. Il faut rappeler que les savants et les saints avaient comme référence le Coran et la Sunna. Le Coran est en mouvement et toujours en avance sur la société. Ce colloque doit véritablement aller au-delà de la contemplation de l’héritage que nous devons aux saints, pour être une opportunité de lire nos défis actuels et y apporter des réponses concrètes, applicables en s’inspirant du Coran, de la Sunna, des écrits et du parcours des saints. 
4. S’intéresser aux autres panels 
5. Favoriser la créativité et le discernement
6. Développer les nouvelles compétences exigibles
7. Pédagogie de la réussite 
8. – Quelle école nouvelle, inclusive, enracinée dans nos valeurs culturelles et sociales les meilleures ?
9. – Quelles valeurs fondamentales et curricula pour un épanouissement harmonieux de l’homme ?
10. – Comment mettre à profit le système des zawiyas, des dahiras et des daaras qui a été magistralement émis en œuvre par les maîtres soufis.

L’ambition du colloque est d’aboutir dans une démarche inclusive à des résolutions concrètes fortes sur ces questions qui figureront en bonne place dans la Déclaration de Dakar à la fin du colloque. 

Panélistes pressentis et sujets proposés :

• Imam Thierno Seydou Nourou Tall : La charte de la Tarîqa Tijâniya, un référentiel de valeurs humanistes et de la citoyenneté ? 
• Professeur Abdou Salam Fall, sociologue : la solidarité de voisinage à l’épreuve de la globalisation et des replis identitaires ? 
• Professeur Fatou Sow Sarr : la Famille face aux conflits de civilisations contemporains ?
• XXX : valeurs intermédiaires contre valeurs finales : quand l’accessoire cache l’essentiel, le discernement par la voie soufie.
• XXX : éthique, réseaux sociaux, médias et vie privée
• XXX : Confiance numérique et responsabilités (étatiques, communautaires et individuelles)